Copro-fesse-scie

Traduction de la lettre du Pr Bernard Golse, membre de la Cippa, à Mme la Ministre Marisol Touraine, à propos du troisième plan autisme

Ma chère Marisol (vous permettez que je vous appelle Marisol)

Je me permets de vous écrire car je ne m’autorise que de moi-même et vous avez été bien obligée d’accuser réception de l’ouvrage que je vous ai fait parvenir, intitulé : « Mon combat pour les enfants autistes », paru aux Editions Odile JACOB au début de l’année 2013.

J’ai été auditionné le 16 mai 2013 par la Mission d’information sur la Santé Mentale créée en 2012 au sein de la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale sur l’avenir de la Psychanalyse, et je voulais vous dire, comme je l’ai dit dans le cadre de cette audition, à quel point, avec une immense majorité de mes collègues Psychanalystes, nous avons été révoltés – car si vous nous prenez les autistes qui représentent notre plus grosse part du marché, qu’allons-nous devenir ? je vous le demande… – par le 3ème plan autisme qui vient d’être publié sous la direction de Madame Marie-Arlette CARLOTTI[1]
Je dirige (je remercie au passage certains de vos collègues et mes potes psykk de m’avoir pistonné) le service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades et à ce titre, je suis responsable de l’un des six centres d’évaluation et de diagnostic de l’autisme et des troubles envahissants du développement, rattachés au C.R.A.I.F (Centre de Ressources Autisme Ile de France) et je ne lâcherai pas de sitôt, la place est trop bonne.
Nous espérions beaucoup du changement du gouvernement pour pouvoir revenir à une position raisonnable à propos de cette pathologie extrêmement douloureuse enfin surtout pour eux parce que nous ça nous fait gagner plein de pognon. Et nous vous avons soutenus, merde ! Rappelez-vous les tweets de nos promesses de votes faites à certains et toussa…
L’objectif principal de mon livre est précisément d’essayer de préserver mon portefeuille et d’envoyer chier ces assos de parents et ces comportementalo-fascisants qui me fatiguent à la fin.

J’ai eu l’occasion d’en parler successivement avec mes potes : Madame Aurore LAMBERT[2], avec le Pr Olivier LYON-CAEN[3], avec Madame Cécile COURREGES[4], avec Monsieur Axel CAVALERI[5], et enfin avec Madame Marie DERAIN la défenseure des enfants. Ils sont ok avec moi, normal ce sont de vrais potes. Ils m’ont écouté et puis ils m’ont rassuré « allons Nanard, l’histoire nous lie avec les socialos, le côté humaniste de la psykk toussa… keep cool Nanard, don’t stress !

Nous avions donc beaucoup d’espoir, on restait zen.

Or la lecture de ce 3ème plan nous montre qu’il est en quelque sorte plus dangereux encore que les précédents. Non, alors là, ça va pas du tout…
Ceci représente vraiment pour nous une très grave déception, je pleure grave c’est vraiment trop injuste pour nous, mais les enjeux vont, me semble-t-il, bien au-delà de l’autisme, et c’est ce que j’aimerais vous faire percevoir par ce courrier. On sait bien qu’on est pas franchement utiles, mêmes pour d’autres pathologies et que la psykk n’apporte rien. Et puis les dys et autres troubles commencent à se réveiller aussi, ça va faire comme aux States, trop c’est trop, Vade Retro !

Il y a d’abord la liberté de choix des parents qu’on maitrisait bien et que vous souhaitez leur rendre, non mais où va-t-on ?
Depuis quand la psychanalyse accepte-t-elle que l’Etat lui dicte ses contenus d’action ?… même si ceux-là coûtent énormément d’argent public, cela ne regarde que nous. En clair, cela ne vous regarde pas ! http://kollectifdu7janvier.org/43-lettre-ouverte-au-president-de-la-republique
Pensez-vous vraiment que les cardiologues accepteraient que l’on vienne choisir à leur place le médicament de l’infarctus du myocarde ? Ok, je sais c’est un exemple débile mais quand même vous ne pouvez pas nous faire ça, pas à nous…
Quand les C.R.A. (Centre de Ressources Autisme) ont été créés par Madame la Ministre Simone VEIL, leurs missions avaient été très sagement définies, ça nous allait pas trop mal. On a placé nos copains.
Il s’agissait de veiller à ce que chaque région du pays dispose du nombre de psykk suffisants pour les enfants autistes, pour veiller au grain.
Il s’agissait donc, et c’est me semble-t-il la mission principale de l’Etat dans le champ de la médecine, de veiller à la bonne adéquation des contenants d’action, mais sans s’immiscer dans la question des contenus d’action qui ne peut être qu’une affaire de spécialistes psykk, cela va de soi.
Aujourd’hui, nous allons vers une impasse, car plus l’Etat se mêle de dicter aux professionnels leurs contenus d’action, plus la mainmise des psykk se trouve rabotée.
Même les recommandations de la H.A.S. (Haute Autorité de Santé) qui ont suscité tant de réactions passionnelles à propos de la prise en charge des enfants autistes, insistaient sur une prise en charge intégrée on y a bien veillé.
Le 3ème plan fait l’apologie du tout éducatif et ceci est parfaitement inadmissible, c’est vraiment trop injuste pour nous. Non, faut pas déconner là !
Nous aboutissons ainsi à un paradoxe car, alors que les parents d’enfants autistes plaident activement, et nous font suer, pour que leur enfant soit considéré comme un citoyen à part entière ayant notamment le droit d’être scolarisé, ce 3ème plan va pourtant aboutir à en faire un citoyen amputé de sa singularité autistique si on le prive de l’accès à différents outils psykk imposée pour tout le reste de la population.
Mais à nouveau, j’insiste sur notre mainmise sur les parents. Nous sommes les seuls à savoir ce qui est bon pour eux et pour leurs lardons (comme disait mon pote Danon Boileau dans le film de la sorcière scientiste dont je tairai le nom ici)
De quel droit nous interdire la possibilité de choisir pour leur enfant, une aide multidimensionnelle incluant une dimension psykk ?

Par ailleurs, nous sommes nombreux à craindre la mort programmée en quelque sorte de la Pédopsykk.
Celle-ci se fonde en effet sur le vif de la rencontre clinique, et chaque rencontre doit pouvoir déboucher sur des décisions thérapeutiques adaptées et spécifiques de chaque situation.
Quand l’Etat nous aura dicté nos conduites à tenir en matière d’autisme, il continuera probablement à vouloir le faire en matière d’hyperactivité, de troubles obsessivo-compulsifs… et cela sera sans fin !
Que restera-t-il de la créativité Psykk et surtout avez-vous pensé à nos finances ?
Que nous restera-t-il à enseigner à nos étudiants car oui ce sont les nôtres, non mais faut pas exagérer quand même ! La preuve qu’ils nous appartiennent exclusivement : http://kollectifdu7janvier.org/actualites/textes-fondamentaux/32-la-liste-noire-des-formations-sur-l-autisme
Comment pourrons-nous susciter des vocations psykk et des enthousiasmes professionnelo-dogmatiKk quand l’acte médical pourra être remplacé par une simple application de protocoles informatisés et scientifiques ?
Au-delà de l’autisme, cette dérive de la pensée politique qui plie l’échine devant certaines positions associatives intransigeantes (elles ne comprennent rien à rien et refusent de se soumettre au grand ordre phallique) , me semble faire le lit d’un fonctionnement dépsykknisé et pré-totalitaire scientiste, oui j’ose le dire ! dans le champ de la médecine comme nous l’entendons, nous psykk tout-puissants.
Au-delà de l’autisme, de la pédopsykk, et de la psychanalyse, c’est aujourd’hui le soin psychique à la sauce psykk et l’ensemble des sciences humaines psykk qui se trouvent ainsi gravement menacés.

Croyez bien Ma chère Marisol, que je regrette profondément d’avoir à tenir ce langage, mais je ne peux vous dire que ce que je crois être le mieux pour nous psykk, et l’intensité de mes propos – envoyez donc en Belgique tous ces parents mécontents, les plus gênés s’en vont – est seulement à la hauteur de notre déception – je n’en dors plus et ne prends même pas le temps de passer chez le coiffeur, c’est dire ! – quant aux espoirs que nombre d’entre nous avions mis dans le changement récent de gouvernement. On vous avait soutenu (je le dis plus haut). Oui bien sûr des parents votent aussi mais eux ça compte pour du beurre, c’est pas comme nous, hein.

Très insistement et persuasivement vôtre ma très chère Marisol, vous permettez que je vous appelle ma très chère Marisol…

Le grand Nanard

*Version public ici : http://www.psynem.org/Hebergement/Cippa/Informations_et_debats/Plan_autisme_3/Lettre_autisme_Golse_Touraine

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